Vivre la mort in utero de son bébé est une douloureuse expérience.
Ces mots sonnent comme une évidence mais méritent pourtant d’être dits.
Ils doivent être dits pour ne pas passer sous silence ces moments si difficiles.
Ca paraît fou mais il est des personnes qui ne veulent pas ou plus en entendre parler.
Et pourtant…pourtant il y a tant à dire !
Avoir un bébé mort dans son ventre, voilà comment tout commence.
Me concernant, rien ne le préméditait, rien ne m’a alertée.
J’ai simplement senti qu’il ne bougeait plus, qu’il y avait dans mon ventre une bosse inerte.
Passés les examens en tout genre, je me suis retrouvée allongée sur un lit d’hôpital.
Allongée à attendre qu’il puisse naître, aidé de médicaments.
C’était là un second moment de violence, après avoir compris sa mort.
Il était encore dans mon ventre mais il était mort.
Je portais la mort en moi comme si je l’avais créée, provoquée.
C’est dans mon corps qu’il est mort et que quelque chose n’a pas été parfait.
Rien ne nous dira les raisons de sa mort. Ni l’autopsie ni les prises de sang.
Mais les faits sont là : il est mort en moi.
// LES MOIS SUIVANT SA MORT //
Je n’ai pas sombré dans la dépression ou dans la folie.
Ma chance a certainement été d’avoir un mari et une fille si parfaits.
Nous avons été très soudés et n’avons rien caché de nos sentiments.
On a pleuré à tour de rôle ou tous ensemble.
On a usé et abusé de câlins et de mots doux.
Sans réfléchir, nous avons fait ce que notre instinct nous a dicté.
Mais bien sûr ça n’a pas été facile tous les jours.
La solitude a souvent eu raison de moi et fait ressortir la rage et la tristesse.
Ainsi les jours ne se ressemblaient pas, au gré du temps mon humeur changeait.
J’ai parfois crié, parfois hurlé ma peine.
Ma fille m’a consolée en voyant mes larmes couler.
Cependant je n’avais de cesse d’avancer pour de nouveau croire en la vie.
// DE NOUVEAU LA VIE //
J’ai eu la chance de retomber enceinte 4 mois seulement après la mort de notre fils.
Certains ont trouvé que c’était trop tôt.
A l’heure où chacun prend plaisir à donner son avis je n’avais qu’une réponse :
« je veux juste être heureuse, avoir une belle famille et
montrer à mon fils qu’il n’est pas mort en vain, il nous a donné la force d’avancer ».
Cette grossesse était à la fois du bonheur et de l’inquiétude.
Je suis allée à plusieurs reprises aux urgences pour des douleurs
ou des faux mouvements qui n’auraient pas dû m’inquiéter.
J’ai essayé d’être la plus normale possible, de ne pas surprotéger mon ventre.
Et en même temps je le caressais et parlais à mon bébé comme si tout pouvait arriver.
Le pire comme le meilleur.
La plus grande difficulté a été de réussir à envisager l’avenir de façon positive
tout en ayant à l’esprit que ce bébé pouvait mourir aussi.
Alors j’ai formulé des phrases à double sens
et j’ai souri tout en ayant les larmes au bord des yeux.
On ne peut pas être positif chaque jour dans ce genre de situation.
On ne peut pas se mentir…mais quelle souffrance d’être réaliste.
// L’ARRIVÉE DU BONHEUR //
De nombreuses craintes se sont évanouies quand j’ai enfin pu serrer ma fille contre moi.
Les larmes de soulagement ont coulé.
Une nouvelle aventure pouvait commencer.
J’ai beaucoup parlé de notre fille comme d’un bébé bonheur.
Tout simplement parce que ça m’était naturel de le dire.
Et comment ne pas faire autrement ?
Nos sourires en disaient long sur tout le bien qu’elle nous apportait.
Ils ne cessent d’ailleurs aujourd’hui encore d’exprimer notre bonheur en la regardant.
« Le bonheur en partant a dit qu’il reviendrait »
// RÉVÉLATION ET CONFIDENCES //
Les jours passent sans qu’on s’y attarde forcément.
Pris dans le tourbillon d’une nouvelle vie, entre nuits courtes et rires nouveaux.
Et tout à coup ça nous apparaît comme une évidence.
Ou plutôt nous frappe aux yeux et nous tord le ventre.
Il y a eu ce moment, après ce qu’on pourrait qualifier d’auto-analyse.
Je me suis aperçue, alors apaisée par la naissance de ma fille, que mon comportement avait changé.
Durant ma grossesse j’étais parfois très agressive avec les autres.
Non pas que je sois toujours tendre et douce.
Mais mon agressivité avait atteint un stade supérieur durant ma grossesse.
Je portais à nouveau la vie et je craignais simplement que la mort ne revienne en moi.
C’est finalement cette nouvelle petite vie dans nos vies endeuillées qui a fait ressurgir nos sentiments.
A cet instant je parle de « nous » car en tant que parents nous avons tous les deux ressenti la même chose.
La tristesse a refait surface quelques semaines après la naissance de notre fille.
Parce qu’on a forcément pensé à toutes ces étapes que notre fils aurait dû lui aussi franchir en grandissant.
Toutes ces choses qu’il n’a jamais connues, toutes ces choses qu’on n’a pas partagées.
Nous n’avions pas pensé que cette douleur viendrait tourmenter notre bonheur.
Mais on a de cesse d’être naïfs alors qu’on se croyait armés.
C’est peut-être mieux ainsi, se montrer toujours un brin naïfs.
Oscillant entre bonheur et douleur.
Et toujours sincères concernant nos sentiments.
Pour se soutenir, s’épauler et discuter.
Voilà notre deuil périnatal.
Julie
13 Comments
Estelle
12 février 2018 at 19:51Merci de partager ce témoignage à cœur ouvert…
Sept à la maison
12 février 2018 at 20:15Oh ma douce Julie. .. a chaque fois que je te lis, j’ai l’impression que tu as lu sans mon esprit . Nos Rainbow baby sont merveilleux et nos étoiles veillent sur eux et sont à nos côtés chaque jour
Magali
12 février 2018 at 20:27Julie, de doux baisers et éncore toute mon admiration pour toi et ta famille.
Devineau
12 février 2018 at 21:04Oh comme je t’en comprends Julie. Nos bébés bonheur chamboulent nos sentiments après le décès de nos Anges.
Ils font partis de nos familles à tout jamais et malgré le temps qui passe et la naissance de leur petit frere ou petite soeur on ne les’ oublies pas.
Merci de parler du deuil périnatal, celui trop compliqué à comprendre pour d’autres.
J’aimerai tellement te rencontrer et partager de nos histoires si similaires et que nos poupées partagent, échangent entre elles mais nous habitons bien trop loin.
De doux Moments de bonheur à vous 4 accompagnés de ton étoile Edgar.
Delphine
Julia
12 février 2018 at 21:27Bonjour j’ai vécu une IMG il y a quelques semaines, c’est comme ça que j’ai découvert ton blog. Je voulais te remercier car avec d’autres ressources trouvées sur internet, ça fait parti des espaces qui m’aident à cheminer dans mon deuil. Je voulais également te poser une question j’ai vu que tu disais être tombée enceinte 4 mois après la mort de ton fils, est ce que l’équipe médicale t’avait fait des recommandations concernant un éventuel délai avant une nouvelle grossesse? En effet nous avons eu des sons de cloches très différents, en gros entre pas besoin d attendre et attendez 6mois/voir un an… du coup je suis un peu perdue la sais même.si la question ne se pose pas encore car je me sens pas psychologiquement prête, je sais que ce nouveau projet viendra.merci
malyslon
4 mai 2018 at 15:01Bonjour Julia…ton commentaire date maintenant, je suis désolée d’avoir tant tardé à te répondre ! Je ne sais pas si ma réponse te sera utile maintenant mais je te la donne tout de même 😉 Mon gynécologue m’avait dit que c’était trop rapide pour retomber enceinte alors que ma sage-femme m’avait affirmé que le principal était que je me sente prête ! Je crois qu’on doit faire comme bon nous semble, selon nos sentiments, que ce soit 1 mois ou 8 mois après, dans tous les cas il y aura des angoisses et des joies !
Où en es-tu maintenant ?
Maman Sur Le Fil
13 février 2018 at 09:37Quel beau témoignage… Je manque de mots alors juste plein de pensées…
Virginie
Bébé est Arrivé !
13 février 2018 at 12:31Ton témoignage est bouleversant et je n’ai pas de mots pour exprimer ma sollicitude. Je te souhaite tout le bonheur du monde.
Cécilia
woodybeauty
13 février 2018 at 14:09Merci pour ton témoignage, il est aussi beau que difficile alors il faut beaucoup de courage pour l’écrire.
Gros bisous!
Maman Pavlova
13 février 2018 at 15:11c’est une belle ode a la vie de ta nouvelle petite fille en gardant le souvenir de ton fils, beaucoup de courage pour la suite certains moments seront encore plus difficiles que d’autres.
J’ai ecrit sur ce sujet le deuil périnatale sur mon blog et je crois qu’il n’y a pas de solution magique, si ce n’est que la vie finit toujours par triomphé parfois avec beaucoup de temps…
Elis
13 février 2018 at 17:39Magnifique! Très émouvant !
melmelboo voyage
14 février 2018 at 10:04J’ai eu une pensée pour toi hier en lisant une superbe BD qui m’a émue aux larmes « écumes » de Ingrid Chabbert et Carole Maurel. Elle raconte une histoire similaire à la votre. Merci pour ton témoignage, si doux.
Moaman
16 février 2018 at 10:41Merci pour ce magnifique témoignage, j’en ai eu des frissons !